Le titre « Her »
est un article possessif féminin singulier (youpi de la grammaire).
La voix, sa voix, à qui ? A elle, cette personne derrière un
programme informatique censée combler le vide existentiel de gens en
proie à la solitude et à la décrépitude humaine et sentimentale.
Le dernier film de Spike Jonze a de
caractéristique qu’on ne voit pas l’un des personnages
principaux : Scarlett Johansson. Seule sa voix la représente.
Comment peut-on transmettre des émotions par la voix ? Emouvoir
sans voir ? Un pari risqué du réalisateur. Une sobriété
accentuée par une mise en scène sobre : meubles futuriste,
froids, lignes claires et épurés, design comme du Philippe Starck
bourré.
Restituons. 2025, Los Angeles Theodore
(Joaquin Phoenix) écrit pour un site web des lettres amoureuses,
familiales pour des anonymes. Sa femme le quitte, et il se console
avec un programme informatique nommée Samantha. Sauf que leur
relation évolue de manière inattendue.
Ce que démontre Jonze est l’extrême
solitude dans laquelle confèrent les nouvelles technologies. Tels
des humains un programme informatique peut nous peiner, nous faire
rire, nous faire pleurer et même nous faire l’amour (belles
séquences de cyberjouissance entre Theodore et Samantha). Mais
malgré des sentiments comme le bonheur ou la haine qu’elles
peuvent provoquer, ça reste virtuel. Dans ce futur proche on
constate que ces nouvelles relations hommes/pixels sont banalisées.
C’est ça qui nous attend ?
Doit-on voir un parti pris du réalisateur contre ces technologies,
contre les réseaux sociaux ? Le « c’était mieux
avant » est horripilant car c’est jamais mieux avant c’est
différent. Pour autant la solitude qu’apportent les machines est
réelle.
Le personnage de Theodore est tout en
contradiction. Il retrouve l’amour sous forme informatique et cette
situation fait écho à son quotidien. Il écrit des lettres
sentimentales pour d’autres personnes. Et sa sensibilité à fleur
de peau émeut tout le monde. Mais là encore son métier le
contraint à ressentir les émotions des autres, ou en tout cas à
les vivre par procuration. Le plus émouvant des écrivains publics
devient le meilleur des amants virtuels.
Le film en soi est trop long, et par
moment on s’y perd. Soulignons la performance de Scarlett Johansson
qui parvient au seul moyen de sa voix à envoûter Joaquin Phoenix
jusqu’à le manipuler. Nous aussi on est bercé par cette voix au
point qu’on se rend compte après-coup de certaines séquences trop
longues, inutiles ou ennuyeuses (merde on est dupé !). Les
personnages secondaires tels Chris Pratt livrent de belles
performances de geeks lessivés par le boulot et par le manque de
sentiments.
Romana Lemay,
L3 Lettres & Arts