mardi 6 mai 2014

Cinéma - Critique: Her de Spike Jonze


Le titre « Her » est un article possessif féminin singulier (youpi de la grammaire). La voix, sa voix, à qui ? A elle, cette personne derrière un programme informatique censée combler le vide existentiel de gens en proie à la solitude et à la décrépitude humaine et sentimentale.

Le dernier film de Spike Jonze a de caractéristique qu’on ne voit pas l’un des personnages principaux : Scarlett Johansson. Seule sa voix la représente. Comment peut-on transmettre des émotions par la voix ? Emouvoir sans voir ? Un pari risqué du réalisateur. Une sobriété accentuée par une mise en scène sobre : meubles futuriste, froids, lignes claires et épurés, design comme du Philippe Starck bourré.
Restituons. 2025, Los Angeles Theodore (Joaquin Phoenix) écrit pour un site web des lettres amoureuses, familiales pour des anonymes. Sa femme le quitte, et il se console avec un programme informatique nommée Samantha. Sauf que leur relation évolue de manière inattendue.
Ce que démontre Jonze est l’extrême solitude dans laquelle confèrent les nouvelles technologies. Tels des humains un programme informatique peut nous peiner, nous faire rire, nous faire pleurer et même nous faire l’amour (belles séquences de cyberjouissance entre Theodore et Samantha). Mais malgré des sentiments comme le bonheur ou la haine qu’elles peuvent provoquer, ça reste virtuel. Dans ce futur proche on constate que ces nouvelles relations hommes/pixels sont banalisées.
C’est ça qui nous attend ? Doit-on voir un parti pris du réalisateur contre ces technologies, contre les réseaux sociaux ? Le « c’était mieux avant » est horripilant car c’est jamais mieux avant c’est différent. Pour autant la solitude qu’apportent les machines est réelle.
Le personnage de Theodore est tout en contradiction. Il retrouve l’amour sous forme informatique et cette situation fait écho à son quotidien. Il écrit des lettres sentimentales pour d’autres personnes. Et sa sensibilité à fleur de peau émeut tout le monde. Mais là encore son métier le contraint à ressentir les émotions des autres, ou en tout cas à les vivre par procuration. Le plus émouvant des écrivains publics devient le meilleur des amants virtuels.


Le film en soi est trop long, et par moment on s’y perd. Soulignons la performance de Scarlett Johansson qui parvient au seul moyen de sa voix à envoûter Joaquin Phoenix jusqu’à le manipuler. Nous aussi on est bercé par cette voix au point qu’on se rend compte après-coup de certaines séquences trop longues, inutiles ou ennuyeuses (merde on est dupé !). Les personnages secondaires tels Chris Pratt livrent de belles performances de geeks lessivés par le boulot et par le manque de sentiments.


Romana Lemay, 
L3 Lettres & Arts  

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