vendredi 6 février 2015

Critique Into The Woods


  

 
  Il était une fois, au détour d’un quartier grisé par l’agitation des passants, un bâtiment de petite taille abritant derrière chacune de ses portes, mille et une histoires projetées sur écrans blancs. Dans l’une de ces salles obscures mercredi dernier, se trouvaient un loup affamé, une sorcière, un chaperon rouge, une certaine Cendrillon, un jeune garçon répondant au nom de Jack, et une demoiselle à la chevelure considérable enfermée dans une tour. Leur point commun ? Être à l’origine des contes que la compagnie Disney s’est appropriée pour en faire les dessins animés chéris qui ont bercés notre enfance. Leurs interprètes ne nous sont pas moins méconnus : on compte entre autre Meryl Streep, Johnny Depp, Emily Blunt, Chris Pine et Christine Baranski. Aujourd’hui, grâce à ce film issu d’une comédie musical du même nom, ces personnages se rencontrent dans un seul et même conte.

  Originale puisque souvent minoritaire au cinéma, la comédie musicale est souvent déconcertante de prime abord. Il ne faudra pas questionner leurs chants incessants et l’apparente fantaisie des actions -qui tendent vers un rendu irréaliste au possible, pour pouvoir s’immerger complètement dans un monde diamétralement autre. Somme toute, revenir à un état plutôt bon enfant, encore plus nécessaire de par le fait qu’il est ici question de contes. Néanmoins, il est à noter que le film n’est pas uniquement construit pour un jeune public. En effet, le scénario du film est truffé de références et d’humour implicite que seul un spectateur averti pourra reconnaître. En fait, ce film se sait comédie musicale, et joue des codes propres à ce genre pour atteindre le public adulte, ce que j’ai trouvé personnellement très subtile.

Cela s’illustre par exemple dans la séquence chantée en duo par le prince de Raiponce et celui de Cendrillon au sommet d’une cascade; la scène va crescendo vers l’absurde et l’autodérision de la figure du prince. D’une part, l’humour se crée par le paysage qui devient à part entière un élément comique, lorsque les princes se jettent pieds joints tour à tour dans l’eau, dans l’optique d’être faussement émouvant, alors que le rendu est tout autre à cause des éclaboussures assez enfantines. D’autre part, le comique émane évidemment des personnages eux-mêmes, par leurs expressions très théâtrales, tantôt contrites de désespoir, tantôt amourachées mais jamais surjouées, d’où la subtilité du comique. Ils accompagnent la parole de gestes exagérés, comme le fait d’ouvrir sa chemise en l’arrachant, souvent exécutés en miroir ce qui donne un aspect clownesque. Il était question de références dans l’ensemble du film ; dans cette scène, on pourra d’ailleurs noter deux références, l’une à Travolta (par les habits d’un des deux princes, et d’une gestuelle assez reconnaissable), l’autre à la danse contemporaine/d’autres comédies musicales, qui utilisent l’eau comme effet pathétique ou saisissant, pour en jouer et le détourner.

  Dès lors qu’on s’habitue à l’univers du conte, irréaliste et fantastique, et aux nombreuses chansons qui jalonnent les dialogues des personnages, on accepte plus facilement l’aspect un peu simpliste des effets spéciaux. En effet, Johnny Depp par exemple semble plus grimé en loup avec ses grandes ( fausses) vibrisses et son chapeau hauteforme doté de deux oreilles qu’incarnant un loup. Il n’y a pas vraiment cette volonté d’illusion à tout prix. Seule Meryl Streep porte un maquillage qui semble être issu de plusieurs heures de travail. D’un point de vue purement cinématographique, genre à part, le film s’avère être un peu long, avec une coupure au milieu créant deux récits distincts et pas nécessaires l’un à l’autre. La voix off, se voulant être la voix du conteur, à mi-chemin entre l’ironie pas totalement assumée et la bienveillance propre aux conteurs rend ses interventions troublantes et peu constructives. Enfin, l’enchainement et l’encastrement des récits les uns dans les autres est  assez grotesque. Mettons qu’encore une fois, seul le genre permet d’excuser ces légères incohérences…


Ils vécurent heureux et eurent beaucoup  d’enfants de critiques.

Jessica Crochot, L3 Lettres et Arts

jeudi 5 février 2015

Critique: Exposition "Haïti"


Si Paris sombre dans la froideur d’un hiver tenace, le Grand Palais, lui, préserve un ilot de chaleur entre ses quatre murs grâce à son exposition « Haïti ». Par la présentation de soixante artistes et de près de cent-soixante-dix œuvres, les commissaires d’exposition dévoilent un pan représentatif des différentes pratiques artistiques qui ont traversé le pays du XIXème siècle à nos jours.

La visite commence dès notre entrée dans le musée, où l’on doit passer sous un édicule surmonté de différentes décorations haïtiennes multicolores ; ce qui crée d’abord un décalage instantané avec l’architecture du Grand Palais mais aussi une invitation au voyage. L’escalier principal nous mène ensuite dans une salle immense, toute en hauteur, où toutes les œuvres d’art sont disposées. On note d’emblée l’originalité de la scénographie, puisque l’entrée donne directement sur une première œuvre à l’apparence brute et imposante : il s’agit en fait de Jalouzi, une installation qui représente un bidonville en escalier.  Celle-ci obstrue la vision du reste de la pièce. Pourtant, si l’entrée en matière semble violente, nos yeux papillonnent déjà et irrésistiblement sur les murs adjacents parés d’œuvres aux couleurs chatoyantes. Une fois Jalouzi contournée, par la droite ou par la gauche le choix étant laissé libre aux spectateurs, quatre espaces thématiques se présentent à nous. Ils se déclinent sous plusieurs formes d’art : peintures, installations, vidéos, performances, sculptures. Certaines ont été conçues spécialement pour l’exposition, d’autres commémorent des événements précis, comme le séisme qu’a connu Haïti en 2010. Les cartels indiquent tantôt des artistes que le public connait peu, d’autres encore, nous semblent familiers, comme ceux qui portent le nom de Basquiat. L’exposition réunit somme toute, des œuvres diverses et variées, venant de tous horizons et d’une richesse infinie. Plusieurs d’entre elles ont été mon « choc culturel » en ce début d’année : je pense notamment à la performance de Sasha Huber, qui, depuis sa Finlande, crée des anges dans la neige, inlassablement et par dizaines sur la mer Baltique –la mer la liant directement au pays touché- avec Haïti lors du séisme et montrer son soutien, mais aussi à l’œuvre de Jean-Ulrick Désert, qui représente la constellation comme elle était le jour du séisme sur une tapisserie rouge à l’aide de médailles qui semblent de façon fascinante être en apesanteur, comme figées dans le temps. Il y aussi les sculptures de Céleur Jean-Hérard, une famille d’oiseaux de plus de deux mètres qui, contrairement à ses filles dont l’obtention des visas a été rejetés, peuvent voler au-delà de toutes frontières. Enfin, Sébastien Jean et ses peintures oniriques, fantasmagoriques et colorées sont des abysses de curiosité et de « plaisir rétinien ». D’autres encore, par leurs histoires ou leurs aspects sont sources d’attraction pour le corps et l’esprit. En effet, l’exposition permet vraiment de découvrir un art aux antipodes de l’art occidental. Un bémol : il manque toutefois des rappels quant à la culture haïtienne ce qui nous laisse parfois perplexe voire pour d’autres regardeurs dégoûtés : l'un d'entre eux s'est exclamé devant une peinture « C’est clairement duchampien cette exposition, mettre ça dans un cadre et dire que c’est de l’art… ». Une vision étriquée un peu navrante. Je pense que l’exposition est difficile d’accès, surtout sans audio-guide (je ne saurais que trop vous conseiller d’en prendre un), mais qu’il est nécessaire d’aller à la rencontre de ses œuvres et non pas de venir à elles avec en tête tout un attirail de comparaisons vaines avec l’histoire de l’art occidentale. Pour ma part, j’ai été conquise. Dépêchez-vous, l’exposition finit le 15 février !

Jessica Crochot, L3 Lettres et Arts

mercredi 4 février 2015

Critique Cinéma: The Imitation Game


     De la troisième à la terminale, les programmes d’histoire sont jalonnés de cours sur les guerres mondiales. 1914. Sarajevo. Tranchées. La Marne, Verdun et encore la Marne.[…] Traité de Versailles. Et puis 1939 arrive, avec une liste de dates sanglantes qui n’a cessé de s’allonger jusqu’en 1945. La nuit de cristal, Charte des Nations Unies, Stalingrad… Cela vous rappelle vos fiches de brevet ?  Pourtant, un nom manquait sans doute d’y figurer ; celui d’Alan Turing. Alan Turing, ou l’homme qui a réussi à décrypter les rouages de la machine «Enigma », machine allemande réputée inviolable qui permettait, si l’on connaissait les bons paramètres, de découvrir la teneur des messages cryptés des allemands. Ces travaux en cryptologie, selon plusieurs historiens, auraient permis de gagner quelques années de guerre contre le régime nazi. Imitation Game permet de retracer cet épisode qui manque à être connu et un pan de la vie de ce génie mathématicien.
   Le film nous embarque donc dans une course contre le temps effrénée. Dès les premières minutes du film, nous revoilà déjà en guerre contre l’Allemagne. On entend les discours véridiques de l’époque, des images d’archives défilent. L’ambiance devient instantanément plus pesante. Et face à cette menace qu’est Hitler et son régime, dont on connait les conséquences tragiques, une poignée de mathématiciens est choisie pour battre Enigma. Non content d’être une machine complexe, ses paramètres sont remis à zéro tous les soirs, à minuit, ce qui laisse à nos chercheurs une vingtaine d’heures pour essayer toutes les combinaisons imaginables et de trouver la bonne, avant que minuit ne sonne l’anéantissement du travail d’une journée, et qu’il faille recommencer, inlassablement. Au milieu de tout ça est dressé le portrait du mathématicien Alan Turing, incarné par Benedict Cumberbatch. Marginal, asocial, « différent » par bien des aspects, qui se met en tête de construire envers et contre tout, une machine du même rang qu’Enigma. 
   Cette histoire est absolument captivante, de par la disproportion entre l’ampleur des travaux de ces hommes –car il ne faut pas oublier l’ensemble des hommes et des femmes qui ont contribués à ce projet même à petite échelle, et le peu de reconnaissance ni même de connaissance accordées à ce sujet. Sur un plan filmique, il en va de même ; j’ai été entrainé de façon haletante dans une quête impétueuse et ô combien humaine, caractérisée par sa fragilité, ses échecs, et une incroyable envie de vivre. De là, il faut saluer le jeu des acteurs, qui sont touchants au possible et vrais. Mention spéciale pour Benedict Cumberbatch, qui assume le rôle principal du film, et qui donne un vrai relief à la figure du génie. Tantôt exécrable, tantôt passionné, souvent perdu, mais lui aussi, humain avant tout. Parce que j’ai trouvé qu’on nous présentait avant tout des alter egos, avant de les affubler de qualificatifs héroïques, ce film amène à l’empathie et à l’aventure humaine. Rendez-vous aux Oscars 2015 pour savoir s’il raflera les récompenses espérées (nominé dans huit catégories dont meilleur film)!

Jessica Crochot, L3 Lettres&Arts                                                                                           

mardi 3 février 2015

Cinéma - Critique: La famille Bélier d'Eric Lartigau


Quel est le point commun entre le langage des signes, l’agriculture et Michel Sardou ? Non, le chanteur n’est pas devenu un agriculteur sourd cherchant l’amour dans un pré. Tout ceci est l’œuvre du nouveau film d’Éric Lartigau, la Famille Bélier. Cette comédie dramatique est plantée dans un décor rural où entre vaches et tracteurs vit cette famille d’agriculteurs.

Dans la famille du même nom que l’animal, je demande la fille : Paula. Interprétée par Louane Emera, la jeune demoiselle a été repérée tout d’abord comme chanteuse dans un célèbre télé-crochet recherchant la plus belle voix de France. Novice en la matière, elle se révèle pleine de fraîcheur et de talent dans le rôle d’actrice. Son personnage est l’atout principal de ce film, remportant ainsi tous les suffrages. Seule personne de la fratrie à ne pas être atteinte de surdité, elle devient ainsi l’interprète de toute la famille. Que ce soit pour les commandes par téléphone, les rendez-vous chez le médecin ou la vente des fromages sur le marché, elle assure le lien entre sa famille et le monde extérieur. Toujours épaulée par son espiègle amie Mathilde, la jeune Paula est toutefois une fille paumée, en décalage avec son temps. Alors que les jeunes de son lycée aiment sortir et faire la fête, elle travaille à la ferme familiale après les cours. De nature timide et réservée, le chant se révèle être son remède pour oublier les problèmes du quotidien. Pourtant, c’est par béguin pour Gabriel, un jeune parisien fraîchement débarqué dans son lycée qu’elle va rejoindre la chorale, dirigée par Monsieur Thomasson (Éric Elmosino ou Gainsbourg dans une autre vie…). Ce prof de musique et artiste déchu, dopé à la variété française va déceler en cette jeune fermière un don particulier et singulier. C’est pourquoi il lui proposera de préparer le concours de la Maîtrise de Radio France à Paris. Cependant, elle doit se confronter à un important dilemme. Doit-elle suivre sa « voie », celle qui la conduit à être auxiliaire de ferme et traductrice pour son entourage ? Doit-elle plutôt sa propre « voix » qui pourrait la conduire au concours de chant à la capitale ?  Cette histoire évoque aussi la vie quotidienne à la ferme, en passant par les ambitions surprenantes de son père, les inquiétudes de sa mère et de son petit frère qui découvre la vie d’adolescent malgré son handicap.

Ce film n’est pas un mélodrame larmoyant voulant nous faire pleurer à chaque scène (comme on peut le penser) mais plutôt une comédie euphorisante suscitant le rire. D’ailleurs, le décalage sonore s’intensifie entre ces deux mondes. En effet, ce « silence sourd » est aussi une bulle de sécurité pour la famille d’agriculteurs. Cette sensation se fait ressentir quand le réalisateur plonge le spectateur dans le monde quotidien des sourds lorsqu’on écoute la voix de Paula lors du spectacle du lycée. On comprend mieux l’émotion que provoque cette voix angélique sur les parents et le spectateur.

La caractéristique principale de cette comédie familiale s’articule autour du handicap, et notamment grâce à la langue des signes. A l’instar de Luca Gelberg (jouant le rôle de Quentin le frère de Paula) qui est né sourd, les autres comédiens ont suivi une formation pour apprendre le langage des signes. Certains spectateurs saluent la performance de François Damiens et Karin Viard, démontrant ainsi la sensibilité dans chacun des signes et expressions du visage. D’autres crient au scandale face à la faible qualité des signes et à la caricature. À chacun de se faire sa propre opinion. Seul bémol : l’absence de sous-titres dans ces « dialogues de sourds », laissant le spectateur dubitatif (NB : sûrement un oubli de la part du projectionniste du cinéma où j’ai vu le film). Cet inconvénient reste toutefois un avantage pour les spectateurs sourds et malentendants.

Du point de vue de la musique, si le film s’ouvre sur un thème aux influences pop (That’s Not My Name, du groupe anglais The Ting Tings), l’atout majeur du film repose sur la chanson française. C’est pourquoi Éric Lartigau décide de mettre à l’honneur un monument de la variété : Michel Sardou. Le prof de musique déclare même que « Michel Sardou est à la variété française ce que Mozart est à la musique classique : Intemporel ! » Ce film sert de come-back pour l’artiste populaire : d’ailleurs toutes ses chansons connaissent une seconde jeunesse. Entre une maladie d’amour, un slow sur les airs de Je vais t’aimer, puis une Java à Broadway, le tout En chantant, c’est surtout la prestation magistrale Je Vole, interprétée par Louane qui captera l’attention de millions de spectateurs. Une double interprétation sublime remplie d’émotion, pleine de vie et d’espoir.

En résumé : Louane Emera future espoir du cinéma français, Michel Sardou ou le comeback de l’année, une histoire posant un autre regard sur la communauté des sourds et malentendants, une famille aimante d’agriculteurs pas comme les autres… tous les ingrédients sont réunis pour vous faire apprécier cette comédie. Une aventure humaine qui se dirige sûrement vers une consécration en devenant un des succès de ce début d’année 2015.

Thomas Louisy, L2 
 Lettres et Sciences humaines


Cinéma - Critique : Le Hobbit


Il y a un an, Peter Jackson présentait "La Désolation de Smaug" , deuxième opus de la trilogie sur le Hobbit. Aujourd’hui, le dernier volet est en salle, et à l’extérieur du cinéma comme sur l’écran, c’est la guerre : tout le monde se bouscule pour voir ce film tant attendu en cette fin d’année 2014. Armez-vous de patience !

Un an s’est donc écoulé depuis que Bilbo nous abandonnait sur la (très clichéique) réplique « qu’avons-nous fait ? », en regardant les yeux vitreux de désespoir, le dragon ivre de colère fondre sur la ville nommée Laketown. Déçus pour la plupart par ce film sans beaucoup de reliefs, et où l’intrigue était prévisible à chaque début de séquences, l’engouement a pourtant ressuscité de ses cendres devant les portes des salles de cinéma pour cette nouvelle aventure. Et pour causes ! On n’en attendait pas moins du réalisateur. Après cette fin bancale, il fallait rebondir.

Alors, qu’en est-il réellement ? On retrouve, et ce dès le début, quelques traces d’une intrigue un peu trop facile et stéréotypée, qui nous font plus rire qu’autre chose. Il est vrai que cela terni parfois un peu les séquences. Pourtant, ce défaut est vite oublié, car ce troisième long-métrage se révèle, plus encore que les deux précédents, d’une réalisation époustouflante. La scénographie des batailles notamment est vraiment très impressionnante et épique à souhait, source de jubilation extrême pour les férus du genre. Adieu, les scènes de bataille interminablement plates ! Cette fois, la lourde artillerie est de mise, que cela soit dans des scènes façon 300, armées contre armées, ou en « duel ».
Hormis cela, La Bataille des cinq armées se démarque par quelques pointes d’humour, d’amour, et d’émotions, qui éclaircissent un peu le ciel ombragé de la Terre du Milieu. Toujours est-il que la séance passe incroyablement vite. Évidemment, il faudra être un minimum averti et manichéen dans l’âme pour suivre et se laisser porter par le film avec enthousiasme. Replongez une dernière fois dans votre enfance le temps d’une séance, et voyagez dans une Terre du Milieu très agitée. Dommage que ce film conclut le travail du réalisateur sur cet univers, on en aurait bien repris encore un peu…

Jessica Crochot
L3 Lettres et Arts

lundi 2 février 2015

Cinéma- Critique: Astérix - Le Domaine des Dieux


Qui a dit qu’à l’université, il n’y avait pas de grands enfants ? Ceux-ci n’auront sans doute pas manqué de remarquer la sortie du nouvel opus d’Astérix et Obélix, en image de synthèse qui conte leur nouvelle aventure, nommée le Domaine des Dieux. Au commande de cette épopée : Alexandre Astier et Louis Clichy. Et les acteurs qui prêtent leurs voix aux personnages qui ont bercés notre enfance ne sont pas des moindres ; on compte Florence Foresti en femme de chef très caractérielle, Alain Chabat en un diabolique Jules César, Elie Semoun en un légionnaire syndicaliste et d’autres figures du rire bien connu du public comme Lorant Deutsch ou Lionel Astier et une grande partie du casting de Kaamelott. S’en suit les critiques mirobolantes des journaux, qui le qualifie du « meilleur  Astérix après Astérix Mission Cléopâtre » (rien que ça !).

Les dessins animés, c’est bien. Co-produit et écrit par le réalisateur de Kaamelott, qui a fait rire des milliers de spectateur du petit écran, on en attend beaucoup plus. Avec ces pointures du rire, il était légitime d’espérer un dessin animé plutôt grand public qu’exclusivement réservés aux enfants. Il est vrai qu’avec les versions ultérieures d’Astérix et Obélix qui sont restés dans la mémoire des plus petits comme des grands avec des répliques devenues cultes, la comparaison est toujours difficilement soutenable. Néanmoins le résultat est là, et s’avère un peu simpliste. On se laisse volontiers embarquer dans un décor 3D criant de réalisme mais le scénario quant à lui laisse à désirer. On retrouve trop de similitudes avec la série Kaamelott, notamment par des personnages comiques venus tout droit de la série, et dont seul le nom a pris des airs romains. Ainsi, Alexandre Astier, qui joue le roi sur le petit écran, entouré de chevaliers souvent incompétents, double la voix du centurion, lui-même entouré d’une légion qui refuse ses ordres. Elie Semoun prend la même voix déjantée que le religieux de la série. Et l’esclave dans le dessin animé, tient des discours long, sages, inadéquats (comiques somme toute), qui ne sont pas sans rappeler ceux du scribe de Mission Cléopâtre. Un air de déjà vu, comique certes, mais peu inventif. Les voix semblent parfois manquer d’enthousiasme et d’engagement, cela s’explique surement par le fait qu’elles ont été enregistrées avant même les images, ce qui crée un décalage un peu perturbant. Mais rendons à César ce qui appartient à César : le rendu n’en reste pas moins plaisant à regarder et léger, quoique simple. 

Jessica Crochot
L3 Lettres & Arts

Théâtre - Critique: Hamlet, mise en scène de Daniel Mesguich

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Hamlet, c’est souvent cette pièce de théâtre qui trône dans nos bibliothèques, que nous avons lue, étudiée ou peut-être vue une fois, coincée entre des monuments tels Le Cid et L’Avare, et dont on croit connaitre l’essentiel : «Être ou ne pas être, telle est la question ». Réducteur ? Assurément. Et il y a ces « autres » qui se chargent de prendre le texte à bras le corps et de l’examiner sous tous ses aspects, traquant la virtuosité à toutes les lignes, et de la remettre en forme, comme Daniel Mesguich, metteur en scène de son état. Ce dernier n’a eu de cesse, en un rendez-vous inlassable et immanquable, de monter la pièce tous les dix ans.

Dans un décor simpliste, Hamlet, interprété par William Mesguich, déambule, livide, empli de colère, de part et d’autre de l’espace scénique. Incontestablement, la puissance de ses états nous émeut et nous transcende : sa performance est digne des plus grands. Côté mise en scène, on se laisse impressionner par l’énorme travail  fourni sur la dramaturgie, et on n’en attendait pas moins de Daniel Mesguich. Le dédoublement des personnages en est l’exemple parfait ; il nous fait osciller entre onirisme et folie dans une lente valse tragique. D’autre part, Daniel Mesguich rend une dimension comique au texte, notamment à travers le personnage du père d’Ophélie, trop souvent inexploitée dans les mises en scène d’Hamlet

Toutefois, les choix faits quant à la traduction de la pièce dérangent : le mélange d’un texte fidèle, au style envolé propre à Shakespeare, contraste avec certains passages retranscrits dans un français très actuel et familier. La pièce tend par de nombreux aspects, à rappeler que nous sommes bien au théâtre et brise l’illusion théâtrale de façon brechtienne. Parti pris original, qu’on aurait aimé plus constant et moins ponctuel. En effet, d’autres procédés beaucoup plus récurrents viennent à son encontre. Ainsi, chaque action marquante se finit sur un noir sur scène, et un bref extrait de musique en leitmotiv, de telle sorte que le rendu semble mettre en avant le texte et l’action, de façon très classique. En somme, la mise en scène d’Hamlet est de loin moins prenante que ne l’a été celle d’Agatha.  Dommage…

Jessica Crochot, 
L3 Lettres et Arts

Théâtre - Critique : Next Day de Philippe Quesne


Théâtre des Amandiers – Le 13 novembre 2014

Enchantée l’année dernière par la mise en scène de Philippe Quesne, Swamp Club, c’est sans aucune hésitation que j’ai cette année pris ma place pour Next Day, la nouvelle création de l’artiste qui se joue actuellement au Théâtre des Amandiers. Cette pièce est une création réalisée avec treize enfants belges, suite à une commande du centre d’art flamand CAMPO.

Dans cette pièce, les enfants sont rois. Les adultes ont désertés la scène et laissent place à ces petits d’hommes tous plus attendrissants les uns que les autres. Dès l’entrée du spectateur dans la salle, les enfants sont déjà en place, se bagarrent pour projeter leur dessin sur un rétroprojecteur, se déplacent sans prêter aucune attention aux spectateurs. Le noir se fait dans la salle, puis chaque enfant tour à tour vient se présenter face public, il décline son nom, l’instrument dont il joue, et son moment préféré dans la pièce. Les personnalités de chacun transparaissent déjà, les petits rigolos, les timides… Dans cette création rien n’est caché au spectateur, dès le début il sait ce qui va lui arriver dont une attaque contre le spectateur organisée par les acteurs. Un « plan » projeté sur l’écran juste après la présentation des enfants vient renforcer cette disparition du suspens puisqu’il annonce point par point le déroulement de la pièce dans son ordre chronologique.
Le déroulement de la pièce n’est pas caché, il en est de même pour la mise en place du décor que les enfants installent en pleine lumière sous le regard des spectateurs. Ainsi ils créent leur salon de musique, leur barricade, leur tournage de publicité… Philippe Quesne explique que cette pièce fait écho à la période de création vécue par les enfants ce qui pourrait alors expliquer la mise en place du décor face public. Comparé à Swamp Club le décor est déçevant, moins impressionnant, plus simple mais aussi plus en accord forcément avec l’univers des enfants. Les blocs de mousse utilisés sont facilement malléables et deviennent une montagne, une barricade, un fauteuil, un lit… L’utilisation de vêtements fluos permet cependant dans la pénombre de créer de très belles images. 

                                   

Cette nouvelle création a en réalité des airs de cours de récré. Le spectateur assiste, au déploiement de l’imagination des enfants. D’un tournage de pub, à une distribution de crêpes en passant par une école de super-héros, l’attaque des martiens, le concert… Quesne nous donne à voir la diversité qui compose l’imaginaire enfantin. Le spectateur sourit, attendri par cette innocence, et cette spontanéité. Les enfants n’hésitent pas non plus à briser le quatrième mur, ils distribuent des crêpes au public, et jouent avec lui lors de l’attaque de martiens. Les enfants sont traités sur un pied d’égalité, aucun n’est plus mis en avant qu’un autre, Philippe Quesne dit lui-même « il n’y a pas de premier rôle dans mes pièces ».

Cependant, malgré une très belle performance des enfants, qui sont à priori tous vierges d’expérience théâtrale et qui ont tous des talents musicaux incroyables, la pièce n’est pas particulièrement passionnante, ni intéressante. On ne peut pas dire que le spectateur passe un mauvais moment, mais il n’en ressort pas particulièrement enjoué. Heureusement que la pièce ne dure qu’une heure. Espérons pour la suite de la saison que le directeur du théâtre des Amandiers saura nous surprendre avec ses prochains spectacles.


Philippe Quesne – Next Day
Théâtre des Amandiers, Nanterre – Du 7 novembre au 14 décembre




Perrine Mériel

Master 1 Littérature, Arts et Pensées contemporaines

Théâtre - Critique : Third World Bunfight – Macbeth de Brett Bailey

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Espace Lino Ventura, Torcy – Le 27 novembre 2014

Après House of the Holy Afro et Exhibit B la saison précédente, Brett Bailey revient avec sa compagnie Third World Bunfight, en Ile de France pour nous présenter sa nouvelle création Macbeth. Macbeth a une dynamique tout à fait différente de House of the Holy Afro. Le chant est là encore très présent mais les couleurs musicales de l’Afrique s’effacent pour laisser place à l’opéra italien de Verdi. Cet opéra n’est pas nouveau pour Brett Bailey, puisqu'il l'avait déjà travaillé « pour une troupe d’opéra locale, qui était assez conservatrice, avec des orientations commerciales ». Le metteur en scène dit alors avoir voulu cette année, monter cette pièce à « sa manière », avec une troupe plus modeste, 10 chanteurs/acteurs, et un orchestre plus réduit composé d’une dizaine de musiciens dirigés par Fabrizio Cassol.

L’opéra italien vient chez Brett Bailey faire écho à la douloureuse histoire de l’Afrique Noire. Il fait une réactualisation qui déplace Macbeth dans l’histoire de la République Démocratique du Congo des années 35-45. La fiction se mêle alors à la réalité, les tueries de l’histoire viennent résonner dans celle de l’Histoire. Dans cette pièce le rire vient côtoyer le drame. Le spectateur rit à plusieurs reprises, Brett Bailey joue énormément sur la parodie des chefs de milices africains qui veulent accéder au pouvoir. Le rire n’efface pas pour autant le drame de l’histoire. Cet opéra est bouleversant et profond, les spectateurs ne parviennent plus à distinguer si les larmes des acteurs sont fausses ou bien réelles. 

Ce spectacle n’est donc pas qu'un simple divertissement, il pousse les spectateurs à réfléchir. Brett Bailey dit s’intéresser à : «Dans le conflit du Congo, qui entretient le feu de la guerre ? », à ces multinationales représentées dans la pièce par les trois sorcières, qui financent les milices pour avoir accès aux ressources minières du Congo. Des images chocs parcourent le spectacle. Brett Bailey a su à merveille découper l’opéra de Verdi pour délivrer son message. Ainsi, la fin de la pièce ne se termine pas sur le couronnement de Malcolm comme chez Shakespeare mais sur la mort de Macbeth. Par ce geste, il cherche à montrer que dans les pays tels que le Congo il est difficile d’avoir un « Happy End », « chaque fois qu’une milice est vaincue, une autre apparait – le serpent a plusieurs têtes ». Son théâtre relève presque du théâtre documentaire, il accompagne sa pièce de textes expliquant la situation du Congo dans les années 35-45. Grâce à des acteurs hors du commun menés par le couple d’époux Macbeth (Owen Metsileng et Nobulumko Mngxekeza), Brett Bailey a la capacité incroyable de passionner le spectateur, de l’amuser, et de l’émouvoir en même temps. 

Pour ceux qui parmi vous ont raté cette représentation, la pièce sera en tournée en Nouvelle Zélande en mars, le billet risque juste de coûter un peu plus cher !


Brett Bailey / Third World Bunfight -Macbeth
Nouveau théâtre de Montreuil, centre dramatique national
18 au 22 novembre

Perrine Mériel

Master 1 Littérature, Arts et Pensées contemporaines

Théâtre - Critique : Faire danser les alligators sur la flûte de pan

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Dans Pulp, Bukowski imaginait un univers dans lequel Louis-Ferdinand Céline n’était pas mort en 1961. Cet univers ne paraîssait pas si éloigné du nôtre aujourd’hui, au Théâtre de l’Oeuvre.

Denis Lavant, bête de théâtre connu comme la muse du génial Leos Carax, arrive sur scène en se raclant la gorge. Il s’apprête à cracher le venin de Céline sur un public ébahi pendant près de deux heures.

Seul sur scène, il transforme la correspondance de l’auteur de Voyage au bout de la nuit en longues déclamations vociférantes. Céline est en colère contre les juifs, ses éditeurs, le prix Goncourt, ses critiques et même ses lecteurs. Mais surtout contre la littérature. Il se torche, littéralement et figurativement, avec la littérature française.

Quand il se calme, il nous offre une belle perspective sur sa carrière : il écrit parce que la vie l’emmerde et qu’il n’y a rien de mieux à faire. Et parce qu’il a besoin d’argent. 

Ce sont des petites remarques, presque des anecdotes, qui permettent de mieux comprendre cet homme. L’importance du style dans son oeuvre. Le succès de Voyage qui est impossible à répéter et qui le hante. On devient intimes.


Misanthrope, collabo et antisémite jusqu’à l’os, il n’est pas facile à aimer mais le Céline salaud n’empêche pas le génie d’exister, et celui-là est très attachant.
En bref, c’est une belle pièce que je vous recommande vivement. L’énergie de Lavant est foudroyante. Et même si la mise en scène n’est pas spectaculaire, on n’a pas le temps d’y penser quand deux génies s’agitent en un seul devant nos yeux.

Dennis

Théâtre - Critique: J'ai terriblement envie de vivre de Bruno Abraham-Kremer

Souvent, on peut se faire une idée sur une petite pièce de théâtre, uniquement par son titre. Trop de gens s’arrêtent d’ailleurs sur ce point. Et première chose étonnante, le titre de cette pièce : “J’ai terriblement envie de vivre” entre déjà en totale opposition avec notre époque. Qui a envie de vivre au XXIème siècle ? Tout le monde ? Peut être, mais qui oserait le crier ?
Bruno Abraham-Kremer, lui ose l’affirmer. 


J’ai terriblement envie de vivre est l’interprétation de la vie du dramaturge le plus représenté au monde : Anton Pavlovitch Tchekhov. Par des extraits multiples et par un jeu de scène assez simple (trop simple peut-être ?) la solitude du comédien devient un dialogue phantasmé avec l’immense auteur russe.
C’est toujours avec humour que le message passe le mieux, ici, le spectateur est invité à s’immiscer dans la relation si intime d’un homme face à son idole.
Bruno Abraham-Kremer court, revient, repart, chante, crie, pleure et rentre dans la vie de Tchekhov de sa petite enfance jusqu’à ses derniers instants.


L’évènement le plus marquant de cette charmante pièce est sans doute ce passage derrière les rideaux composant l’arrière-scène. Pourquoi ? Comment ? A vous de le découvrir en allant admirer cette pièce qui transpire la sincérité, l’humain dans le bon sens du terme.
Une déclaration d’amour à laquelle on participe de loin seulement. On ne touche l’admiration qu’avec les yeux.


Une heure et demie de performance, seul sur scène avec un grand tapis roulé comme seul présentoir de repos. Voilà la simplicité dans le Petit Saint-Martin, toute petite salle de théâtre, charmante par sa disposition, charmante par l’atmosphère qui y réside. 
Finalement, en ressortant de la pièce, on a peut-être pas vu le plus grand chef-d’œuvre de tous les temps, mais l’on a été dans l’intimité la plus pure d’un homme envers son maître à penser, son maître à être. Et c’est peut-être ça qui nous donne à nous aussi l’Envie, une certaine “terrible envie de vivre”.


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Charles Rozanski,
 L3 Lettres Modernes

Exposition - Critique: Niki de Saint Phalle au Grand Palais

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Niki de Saint Phalle était une magnifique femme qui a eu une enfance difficile, violée par son père à 11 ans, elle tombe ensuite dans une longue dépression et se retrouve en séjour à l’hôpital psychiatrique, dès lors l’art devient son outil thérapeutique. Ce n’était pas une artiste « cinglée », c’était une féministe engagée du XXème siècle qui représentait les femmes à travers la vision des hommes. 

L’exposition commence dans une salle grise et feutrée hantée par des « sculptures fantomatiques et délurées », ce sont ses premières œuvres, art déco en relief, où sont collées toutes sortes d’objets improbables, faites d’huile, de plâtre et de peinture. 
On entre ensuite dans un univers de conte de fée avec les célèbres « Nanas », des statues de femmes opulentes et fleuries, elles sont obèses pour mieux dominer les hommes et colorées et mouvantes pour mieux exhiber leur indépendance, elles sont libres, elles dansent, sautent et n’ont aucunement besoin des hommes.

La pièce suivante casse ce côté féerique et impose un ordre militaire, Niki tire à la carabine sur des poches de peinture qui dégoulinent sur les tableaux, ses cibles sont les hommes ainsi que les pouvoirs politique, militaire et religieux. On assiste à l’explosion des matières, et devant cet acte de destruction qui amène la création, on en perd les mots.
Puis place à une « jungle nocturne », qui clôture la visite, où les œuvres s’illuminent, dont un énorme crâne scintillant fait de bouts de miroirs colorés. Partout sur les murs noirs, des dessins adorables, hauts en couleur avec des phrases romantiques, des cœurs et des fleurs, adressées à ses amours qui font ressortir son côté « femme-enfant ». 

Mais si ses œuvres sont philosophiquement intéressantes car elles dégagent l’essence du mouvement féministe, on ne peut pas dire qu’elles soient, pour la plupart, esthétiquement belles. Cela reste une exposition haute en couleur et complétement délurée, à la fois joyeuse et puissante, qui s’adresse au grand public, même si la plupart des visiteurs sont des visiteuses. Alors n’hésitez plus, par chance, l’exposition dure jusqu’au 2 février, tous les jours (sauf le mardi) de 10h à 22h, le dimanche et le lundi, jusqu’à 20h.


June Cooper

Cinéma - Critique : Magic In The Moonlight de Woody Allen

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La pluie et le froid s’invitent à Paris, le froid s’engouffre dans les ruelles et le ciel gris semble si bas qu’il parait prêt à s’écrouler. L’automne est arrivé avec son lot de caprices météorologiques, comme chaque année. Pourtant, dans ce tumulte nébuleux, des évasions –parfois salvatrices- s’offrent à vous grâce aux nombreuses sorties cinématographiques attendues en ce début d’année scolaire. Magic in the Moonlight, la dernière comédie romantique écrite et réalisée par Woody Allen est l’une d’entre elles.

Elle nous emmène au début du XXème siècle dans le Sud de la France, à la rencontre d’un magicien des plus renommés (Colin Firth) chargé de démasquer Sophie Baker (Emma Stone), au demeurant médium. Les personnages sont émouvants et sont portés par de très bons jeux d’acteurs. Le premier, sceptique au possible, égocentrique, maladroit et d’un cynisme mordant (qui n’est pas sans rappeler la figure de Sherlock Holmes de la BBC) se révèle tout aussi attachant que la très douce Sophie, rayonnante de simplicité et de candeur.

Évoluant dans un paysage radieux, les deux personnages se rencontrent, s’apprivoisent, se défient au gré de leurs convictions, animés par une curiosité mutuelle, nous entraînant dans une valse légère et bien menée d’un bout à l’autre du film.

La qualité de ce dernier en est d’autant plus appréciable qu’il évite les écueils auxquels on pourrait s’attendre : l’évolution des personnages ne verse nullement dans un sentimentalisme excessif, il n’empiète pas sur l’intérêt de l’intrigue et l’humour est bien présent. D’autre part, d’un point de vue esthétique, l’usage d’une caméra des années 70, non content de créer une cohérence entre l’époque et l’ambiance, donne un rendu à l’image du film, joyeux et limpide. Un petit rayon de soleil qui vous attend en salle depuis le 22 octobre.

Jessica Crochot, 
L3 Lettres et Arts

Cinéma - Critique : Mommy de Xavier Dolan

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Je voudrais commencer cette critique par la fin (sans aucun spoil, bien sûr); par le ressenti post-ciné, l’instant tout frais où l’on sort de la salle et où l’on se laisse guider par nos pensées en marchant sur le quai de la gare jusqu’au métro. C’est comme si on avait essayé de me réveiller en me secouant violemment les épaules, me giflant, me lacérant le visage. C’est les jambes encore flageolantes que je rentre chez moi, et il m’est alors impossible de dire autre chose que “je suis allée voir Mommy, c’était super”.

Et pourtant, je n’y tenais pas. Blasée de l’émulation générale, saoulée que le film occupe deux salles au MK2 Bibliothèque ou au Quai de Loire, exaspérée que le petit Dolan construise sa bande annonce autour de son si-beau-discours à Cannes. 
J’ai failli passer à côté.


Xavier Dolan, 25 ans, 5 films au compteur. Ce n’est pas le cinéma “français de France” qui offrirait ses chances à un gamin, si talentueux qu’il soit. Par chance, il est québécois, et ose se donner les moyens d’imposer sa créativité, je dirais même son art, jusqu’à Cannes, jusque faire les grosses sorties françaises.
Cinq ans après J’ai tué ma mèreMommy reprend le sujet des relations mère-fils. Steve, adolescent violent et impulsif, retourne vivre chez sa mère (électron libre, la superbe Anne Dorval) après s’être fait exclure du centre spécialisé où il était placé. Pèse sur lui la menace implicite de la loi S-14, qui autorise une mère à placer en hôpital son enfant atteint de maladie physique ou mentale.

Dolan traite avec délicatesse une relation amour-haine, entre grossièreté, vulgarité et passion violente. L’entrée en scène parfaitement réussie de Kyla, enseignante en congé sabbatique, apporte une certaine douceur, une tendresse un peu énigmatique. Trois personnages incompatibles qui forment la parfaite fusion de la pudeur, la disgrâce et l’amour. J’irai même jusqu’à parler d’une ambiguité amoureuse légèrement dingue, mais toujours saine, toujours traitée avec la même sensibilité.

Il me semble également essentiel de mentionner un jeu d’acteur parfaitement juste, qui nous prend à la gorge. Imaginez que le jeune Steve colle son front au vôtre, vous regarde droit dans les yeux et se met à rire cyniquement, à pleurer de colère, à vous caresser doucement la joue et à vous insulter en hurlant.

Ajoutons une bande originale limpide, entre Oasis et Lana Del Rey en passant par Dido, Ludovico Einaudi et Counting Crows.
En bref, ne le manquez pas (vous avez de la chance, il va sans doute rester un petit moment en salle !)

Lili Nyssen, 
L1 Lettres et Arts