Si je vous dis : L’Avare de Molière, que me répondez-vous ?
Culte,
sans aucun doute. Comique, certainement. Cassette et gages à la
rigueur. Louis de Funès ou Daniel Podalydès, si vous êtes
connaisseurs. Peut-être pousseriez-vous l’audace jusqu’à me
dire « vu et revu », et je vous dirais que vous avez
raison.
C’est
donc à un lourd héritage que Ivo Van Hove
s’est attaqué en décidant de monter cette pièce, avec le réel
pari de pousser sa tournée hors des frontières hollandaises, devant
un public français exigeant en néerlandais surtitré français.
Pourtant, dès l’entrée des spectateurs, on voit qu’il n’a pas
été seulement et simplement question de monter un classique, mais
bien de revisiter et de dépoussiérer le tout.
Dès
le début, le spectateur, alors même qu’il s’installe dans le
siège assigné, a le loisir de faire face à une scène baignée de
lumière. Rien de particulièrement extraordinaire jusque-là, me
diriez-vous. Ce qui détonne néanmoins, ce sont l’écran plat, à
gauche, la chaîne hi-fi en fond de scène, les ordinateurs, au
nombre de trois, qui trônent sur des tables basses, ou encore le
frigo double portes en retrait, côté jardin. Sans omettre les
détritus qui jalonnent l’espace scénique de part et d’autre.
Comment ne pas remarquer entre autres ces vêtements –
sous-vêtements ?- qui traînent deçà et là, ces bouteilles
de coca sur le devant de la scène, ces manettes de consoles de jeux
qui jonchent le sol ? Captivant et hypnotisant, cet espace
scénique est construit à l’image de l’ensemble de la mise en
scène. Adieu « maraud », « cassette » et
« baisemain ». Maraud faisant place à la – très
délicate - réplique « Connard », la cassette, à une
clé USB, et le baisemain, à une vue crue qui pourrait être
interdite aux plus jeunes. Adieu aussi, Harpagon ridicule. Bonjour au
Harpagon versatile, violent et imprévisible, presque monstre. La
pièce est donc malmenée de toutes parts par une modernité criante
de réalisme. Le spectateur quant à lui, se laisse porter au gré de
la musique moderne, des éclats de voix, d’une violence loin d’être
feinte, d’une cruauté proche du pathétique dans une ascension
vers le tragique. Plaisir, appréhension, empathie, stupéfaction,
peur viennent à votre encontre, malgré vous.
Rendez-vous
avec ce drame, une véritable beauté dans le malheur : du 7
novembre au 16 novembre à la Maison des Arts de Créteil- arrêt
préfecture de Créteil, tarif 10 euros.
Personnes
fortement attachées à Molière ou à l’école classique,
s’abstenir.
Jessica Crochot
L2 Lettres & Arts
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