Molière fait son retour chez lui. Depuis le début de
l'année, deux pièces de Molière volent la vedette à Shakespeare, Anouilh ou Voltaire. Et pour cause, tout spectateur
avide de Théâtre sait bien que c'est à la Comédie Française que s'admire,
s'observe, se jouit l'art de Molière. Dom
Juan et Psyché, sont donc les
deux pièces qui représentent le maitre de maison Salle Richelieu.
Si la première est un grand classique du maître du théâtre
français, il est vrai que la seconde est bien moins renommée. Et pour cause, il
s'agit si l'on veut rendre à Caesar ce qui appartient à Caesar, non pas d'une
pièce de Molière mais d'une tragédie-ballet composée à quatre mains. Par
Molière donc, mais aussi par Lully, le musicien attitré de la cour de Louis-XIV
et ami proche du comédien, par Pierre Corneille et par Quinault pour les
paroles chantées.
Avant de passer à la critique de la pièce même, peut-être
faudrait-il faire un petit détour par l'histoire que nous raconte la pièce ?
Sans même attendre votre réponse qui forcément sera positive
si vous lisez ses lignes, je me lance donc vers un cours résumé de la légende
de Psyché revisitée par nos trois auteurs et notre illustre musicien.
Psyché, belle mortelle, comme un rêve de pierre (pardon…)
est jalousée par la déesse même de la Beauté, Vénus. Mais aussi, car les
problèmes ne viennent pas seuls Psyché est aussi jalousée par ses sœurs qui lui
reprochent d'attirer tous les cœurs princiers des alentours.
Fâchée Madame Vénus
décide donc via un oracle de demander Psyché en sacrifice. Celle-ci est tuée
sous les yeux de deux prétendants.
Le Roi (père de Psyché)
par Laurent Natrella
Vénus par Sylvia Bergé
En montant au paradis, celle-ci se réveille dans un palais
que lui a construit un bel inconnu. Ce bel inconnu était beau, c'est le cas de
le dire, car il est Amour, le fils même de Vénus.
Scénario digne des plus "grandes" séries
télévisées, Amour et Psyché tombent éperdument amoureux l'un de l'autre et
après quelques péripéties, Jupiter, Dieu des dieux immortalise Psyché qui va
pouvoir vivre éternellement auprès d'Amour, son amour près d'une Vénus
apparemment lui ayant pardonné sa beauté sans nom…
Venons en maintenant à la performance des acteurs, de la
mise en scène, et surtout de la musique d'une importance primordiale dans cette
pièce.
I - Les acteurs et chanteurs
Un casting incroyablement jeune et frais nous fait vivre la
pièce d'une façon époustouflante de sincérité, on est sans conteste transporté
dans leurs jeu, ils ont les personnages inscrits en eux. Une Vénus (Sylvia Bergé) terrible, pleine de haine
et de rage déverse sans cesse sa colère sur une salle terrorisée à ses moindres
mots. Une Psyché douce, naïve mais charismatique nous fait vivre son personnage
d'une façon épique. Au niveau des acteurs, nous sommes bien à la Comédie
Français, aucun doute toujours aussi exceptionnels, maitrisant, vivant et
surtout nous faisant vivre le Théâtre.
II - Musique et mise en scène
Véronique Vella a pris parti, oserais-je dire le pari, de
nous rendre une copie très moderne et originale (dans le sens : on n'a jamais
vu ça). Le goût de chacun de vous sera le meilleur juge, mais d'un point de vue
personnel, il est vrai que cette mise en scène me parait particulièrement osée,
et risquée. Or qui dit risque dit, possibilité d'échouer. Loin de moi de remettre
en cause son travail, mais je trouve dans cette mise en scène une adaptation
TROP moderne, ponctuée d'accents d'anachronismes criants. Je trouve des plus
dommage au niveau de la musique d'avoir remplacé le clavecin original par un
piano qui fait sonner les chants des choristes comme de la musique que l'on
pourrait entendre dans un cabaret. Alors oui, cela donne un coté vivant,
actuel, drôle à la pièce mais ne s'agit-il pas d'une Tragédie-ballet (qui de
plus est la première du nom) ? Non vraiment, c'est une grande déception de voir
deux genres se chevaucher et même s'entrechoquer.
Néanmoins concernant
chanteurs et chanteuses, que puis-je en dire, si ce n'est facilement, que la partition
est parfaitement accordée, ils et elles rythment la pièce tantôt pour rire,
tantôt pour pleurer.
En somme, c'est un bilan mitigé entre le ravissement d'avoir
découvert une belle pièce quasiment inconnue, et le
ravissement d'un Classique par une musique qui sonne réellement comme une
fausse note dans cet univers qui du même fait, s'empêche de se dévoiler
pleinement à nos oreilles. Car a nos yeux il l'est, et c'est incontestable.
Charles Rozanski,
L2 - Lettres Modernes
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