jeudi 5 février 2015

Critique: Exposition "Haïti"


Si Paris sombre dans la froideur d’un hiver tenace, le Grand Palais, lui, préserve un ilot de chaleur entre ses quatre murs grâce à son exposition « Haïti ». Par la présentation de soixante artistes et de près de cent-soixante-dix œuvres, les commissaires d’exposition dévoilent un pan représentatif des différentes pratiques artistiques qui ont traversé le pays du XIXème siècle à nos jours.

La visite commence dès notre entrée dans le musée, où l’on doit passer sous un édicule surmonté de différentes décorations haïtiennes multicolores ; ce qui crée d’abord un décalage instantané avec l’architecture du Grand Palais mais aussi une invitation au voyage. L’escalier principal nous mène ensuite dans une salle immense, toute en hauteur, où toutes les œuvres d’art sont disposées. On note d’emblée l’originalité de la scénographie, puisque l’entrée donne directement sur une première œuvre à l’apparence brute et imposante : il s’agit en fait de Jalouzi, une installation qui représente un bidonville en escalier.  Celle-ci obstrue la vision du reste de la pièce. Pourtant, si l’entrée en matière semble violente, nos yeux papillonnent déjà et irrésistiblement sur les murs adjacents parés d’œuvres aux couleurs chatoyantes. Une fois Jalouzi contournée, par la droite ou par la gauche le choix étant laissé libre aux spectateurs, quatre espaces thématiques se présentent à nous. Ils se déclinent sous plusieurs formes d’art : peintures, installations, vidéos, performances, sculptures. Certaines ont été conçues spécialement pour l’exposition, d’autres commémorent des événements précis, comme le séisme qu’a connu Haïti en 2010. Les cartels indiquent tantôt des artistes que le public connait peu, d’autres encore, nous semblent familiers, comme ceux qui portent le nom de Basquiat. L’exposition réunit somme toute, des œuvres diverses et variées, venant de tous horizons et d’une richesse infinie. Plusieurs d’entre elles ont été mon « choc culturel » en ce début d’année : je pense notamment à la performance de Sasha Huber, qui, depuis sa Finlande, crée des anges dans la neige, inlassablement et par dizaines sur la mer Baltique –la mer la liant directement au pays touché- avec Haïti lors du séisme et montrer son soutien, mais aussi à l’œuvre de Jean-Ulrick Désert, qui représente la constellation comme elle était le jour du séisme sur une tapisserie rouge à l’aide de médailles qui semblent de façon fascinante être en apesanteur, comme figées dans le temps. Il y aussi les sculptures de Céleur Jean-Hérard, une famille d’oiseaux de plus de deux mètres qui, contrairement à ses filles dont l’obtention des visas a été rejetés, peuvent voler au-delà de toutes frontières. Enfin, Sébastien Jean et ses peintures oniriques, fantasmagoriques et colorées sont des abysses de curiosité et de « plaisir rétinien ». D’autres encore, par leurs histoires ou leurs aspects sont sources d’attraction pour le corps et l’esprit. En effet, l’exposition permet vraiment de découvrir un art aux antipodes de l’art occidental. Un bémol : il manque toutefois des rappels quant à la culture haïtienne ce qui nous laisse parfois perplexe voire pour d’autres regardeurs dégoûtés : l'un d'entre eux s'est exclamé devant une peinture « C’est clairement duchampien cette exposition, mettre ça dans un cadre et dire que c’est de l’art… ». Une vision étriquée un peu navrante. Je pense que l’exposition est difficile d’accès, surtout sans audio-guide (je ne saurais que trop vous conseiller d’en prendre un), mais qu’il est nécessaire d’aller à la rencontre de ses œuvres et non pas de venir à elles avec en tête tout un attirail de comparaisons vaines avec l’histoire de l’art occidentale. Pour ma part, j’ai été conquise. Dépêchez-vous, l’exposition finit le 15 février !

Jessica Crochot, L3 Lettres et Arts

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