Si Paris sombre dans la froideur d’un hiver
tenace, le Grand Palais, lui, préserve un ilot de chaleur entre ses quatre murs
grâce à son exposition « Haïti ». Par la présentation de soixante
artistes et de près de cent-soixante-dix œuvres, les commissaires d’exposition
dévoilent un pan représentatif des différentes pratiques artistiques qui ont
traversé le pays du XIXème siècle à nos jours.
La visite commence dès notre entrée dans le musée,
où l’on doit passer sous un édicule surmonté de différentes décorations haïtiennes
multicolores ; ce qui crée d’abord un décalage instantané avec l’architecture
du Grand Palais mais aussi une invitation au voyage. L’escalier principal nous
mène ensuite dans une salle immense, toute en hauteur, où toutes les œuvres d’art sont disposées. On note d’emblée l’originalité de la scénographie, puisque l’entrée
donne directement sur une première œuvre à l’apparence brute et imposante :
il s’agit en fait de Jalouzi, une
installation qui représente un bidonville en escalier. Celle-ci obstrue la vision du reste de la
pièce. Pourtant, si l’entrée en matière semble violente, nos yeux papillonnent
déjà et irrésistiblement sur les murs adjacents parés d’œuvres aux couleurs
chatoyantes. Une fois Jalouzi
contournée, par la droite ou par la gauche le choix étant laissé libre aux
spectateurs, quatre espaces thématiques se présentent à nous. Ils se déclinent sous
plusieurs formes d’art : peintures, installations, vidéos, performances,
sculptures. Certaines ont été conçues spécialement pour l’exposition, d’autres commémorent
des événements précis, comme le séisme qu’a connu Haïti en 2010. Les cartels
indiquent tantôt des artistes que le public connait peu, d’autres encore, nous
semblent familiers, comme ceux qui portent le nom de Basquiat. L’exposition
réunit somme toute, des œuvres diverses et variées, venant de tous horizons et
d’une richesse infinie. Plusieurs d’entre elles ont été mon « choc
culturel » en ce début d’année : je pense notamment à la performance
de Sasha Huber, qui, depuis sa Finlande, crée des anges dans la neige,
inlassablement et par dizaines sur la mer Baltique –la mer la liant directement
au pays touché- avec Haïti lors du séisme et montrer son soutien, mais aussi à
l’œuvre de Jean-Ulrick Désert, qui représente la constellation comme elle était
le jour du séisme sur une tapisserie rouge à l’aide de médailles qui semblent
de façon fascinante être en apesanteur, comme figées dans le temps. Il y aussi
les sculptures de Céleur Jean-Hérard, une famille d’oiseaux de plus de deux
mètres qui, contrairement à ses filles dont l’obtention des visas a été
rejetés, peuvent voler au-delà de toutes frontières. Enfin, Sébastien Jean et
ses peintures oniriques, fantasmagoriques et colorées sont des abysses de
curiosité et de « plaisir rétinien ». D’autres encore, par leurs
histoires ou leurs aspects sont sources d’attraction pour le corps et l’esprit.
En effet, l’exposition permet vraiment de découvrir un art aux antipodes de l’art
occidental. Un bémol : il manque toutefois des rappels quant à la culture
haïtienne ce qui nous laisse parfois perplexe voire pour d’autres regardeurs dégoûtés : l'un d'entre eux s'est exclamé devant une peinture « C’est clairement
duchampien cette exposition, mettre ça
dans un cadre et dire que c’est de l’art… ». Une vision étriquée un peu
navrante. Je pense que l’exposition est difficile d’accès, surtout sans
audio-guide (je ne saurais que trop vous conseiller d’en prendre un), mais qu’il
est nécessaire d’aller à la rencontre de ses œuvres et non pas de venir à elles
avec en tête tout un attirail de comparaisons vaines avec l’histoire de l’art
occidentale. Pour ma part, j’ai été conquise. Dépêchez-vous, l’exposition finit
le 15 février !
Jessica Crochot, L3 Lettres et Arts
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