mardi 3 février 2015

Cinéma - Critique: La famille Bélier d'Eric Lartigau


Quel est le point commun entre le langage des signes, l’agriculture et Michel Sardou ? Non, le chanteur n’est pas devenu un agriculteur sourd cherchant l’amour dans un pré. Tout ceci est l’œuvre du nouveau film d’Éric Lartigau, la Famille Bélier. Cette comédie dramatique est plantée dans un décor rural où entre vaches et tracteurs vit cette famille d’agriculteurs.

Dans la famille du même nom que l’animal, je demande la fille : Paula. Interprétée par Louane Emera, la jeune demoiselle a été repérée tout d’abord comme chanteuse dans un célèbre télé-crochet recherchant la plus belle voix de France. Novice en la matière, elle se révèle pleine de fraîcheur et de talent dans le rôle d’actrice. Son personnage est l’atout principal de ce film, remportant ainsi tous les suffrages. Seule personne de la fratrie à ne pas être atteinte de surdité, elle devient ainsi l’interprète de toute la famille. Que ce soit pour les commandes par téléphone, les rendez-vous chez le médecin ou la vente des fromages sur le marché, elle assure le lien entre sa famille et le monde extérieur. Toujours épaulée par son espiègle amie Mathilde, la jeune Paula est toutefois une fille paumée, en décalage avec son temps. Alors que les jeunes de son lycée aiment sortir et faire la fête, elle travaille à la ferme familiale après les cours. De nature timide et réservée, le chant se révèle être son remède pour oublier les problèmes du quotidien. Pourtant, c’est par béguin pour Gabriel, un jeune parisien fraîchement débarqué dans son lycée qu’elle va rejoindre la chorale, dirigée par Monsieur Thomasson (Éric Elmosino ou Gainsbourg dans une autre vie…). Ce prof de musique et artiste déchu, dopé à la variété française va déceler en cette jeune fermière un don particulier et singulier. C’est pourquoi il lui proposera de préparer le concours de la Maîtrise de Radio France à Paris. Cependant, elle doit se confronter à un important dilemme. Doit-elle suivre sa « voie », celle qui la conduit à être auxiliaire de ferme et traductrice pour son entourage ? Doit-elle plutôt sa propre « voix » qui pourrait la conduire au concours de chant à la capitale ?  Cette histoire évoque aussi la vie quotidienne à la ferme, en passant par les ambitions surprenantes de son père, les inquiétudes de sa mère et de son petit frère qui découvre la vie d’adolescent malgré son handicap.

Ce film n’est pas un mélodrame larmoyant voulant nous faire pleurer à chaque scène (comme on peut le penser) mais plutôt une comédie euphorisante suscitant le rire. D’ailleurs, le décalage sonore s’intensifie entre ces deux mondes. En effet, ce « silence sourd » est aussi une bulle de sécurité pour la famille d’agriculteurs. Cette sensation se fait ressentir quand le réalisateur plonge le spectateur dans le monde quotidien des sourds lorsqu’on écoute la voix de Paula lors du spectacle du lycée. On comprend mieux l’émotion que provoque cette voix angélique sur les parents et le spectateur.

La caractéristique principale de cette comédie familiale s’articule autour du handicap, et notamment grâce à la langue des signes. A l’instar de Luca Gelberg (jouant le rôle de Quentin le frère de Paula) qui est né sourd, les autres comédiens ont suivi une formation pour apprendre le langage des signes. Certains spectateurs saluent la performance de François Damiens et Karin Viard, démontrant ainsi la sensibilité dans chacun des signes et expressions du visage. D’autres crient au scandale face à la faible qualité des signes et à la caricature. À chacun de se faire sa propre opinion. Seul bémol : l’absence de sous-titres dans ces « dialogues de sourds », laissant le spectateur dubitatif (NB : sûrement un oubli de la part du projectionniste du cinéma où j’ai vu le film). Cet inconvénient reste toutefois un avantage pour les spectateurs sourds et malentendants.

Du point de vue de la musique, si le film s’ouvre sur un thème aux influences pop (That’s Not My Name, du groupe anglais The Ting Tings), l’atout majeur du film repose sur la chanson française. C’est pourquoi Éric Lartigau décide de mettre à l’honneur un monument de la variété : Michel Sardou. Le prof de musique déclare même que « Michel Sardou est à la variété française ce que Mozart est à la musique classique : Intemporel ! » Ce film sert de come-back pour l’artiste populaire : d’ailleurs toutes ses chansons connaissent une seconde jeunesse. Entre une maladie d’amour, un slow sur les airs de Je vais t’aimer, puis une Java à Broadway, le tout En chantant, c’est surtout la prestation magistrale Je Vole, interprétée par Louane qui captera l’attention de millions de spectateurs. Une double interprétation sublime remplie d’émotion, pleine de vie et d’espoir.

En résumé : Louane Emera future espoir du cinéma français, Michel Sardou ou le comeback de l’année, une histoire posant un autre regard sur la communauté des sourds et malentendants, une famille aimante d’agriculteurs pas comme les autres… tous les ingrédients sont réunis pour vous faire apprécier cette comédie. Une aventure humaine qui se dirige sûrement vers une consécration en devenant un des succès de ce début d’année 2015.

Thomas Louisy, L2 
 Lettres et Sciences humaines


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